Infirmier en Pratique Avancée (IPA) : des infirmiers experts au chevet des patients ?

Les Infirmiers en Pratique Avancée (IPA) sont les nouveaux infirmiers des temps modernes. Quel est vraiment leur rôle ? Quelle est la différence entre un infirmier libéral et un IPA ? Serons-nous tous des IPA demain ? TabSanté vous répond 

La santé en constante évolution

Les soins de santé en France ont connu une transformation constante au fil des décennies, répondant à l’évolution des besoins des patients et des avancées médicales. Au cœur de cette évolution se trouvent les infirmiers, dont le rôle s’est étendu pour répondre à des exigences de plus en plus complexes. Initialement centrés sur les soins aux patients hospitalisés, les infirmiers ont dû s’adapter à des besoins plus variés, notamment dans les soins à domicile, la prévention des maladies et l’éducation des patients. Cette transformation est devenue plus évidente à mesure que les besoins de santé de la population évoluaient, avec une augmentation des maladies chroniques et une demande accrue de soins de qualité. Et la dernière étape significative dans cette transformation est l’introduction des Infirmiers en Pratique Avancée (IPA).

 

Qu’est-ce qu’un Infirmier en Pratique Avancée ?

Ce nouveau métier est à la frontière entre le métier de médecin et celui d’infirmier. En effet, l’Infirmier en Pratique Avancée (IPA) est un infirmier expert, hautement qualifié qui a acquis des compétences avancées pour fournir des soins de santé avancés. L’IPA peut exercer des missions plus poussées qu’un IDE ou IDEL classique. Des missions auparavant réservées aux médecins. Un IPA est capable d’évaluer, de diagnostiquer, de prescrire des traitements et d’assurer une prise en charge globale des patients. Ce nouveau statut a été créé par la loi de modernisation du système de santé de 2016 et mis en œuvre officiellement par le décret du 18 juillet 2018. Ce statut a été pensé pour améliorer toujours plus l’accès aux soins et la qualité du parcours des patients. Les IPA ont plus d’autonomie qu’un IDEL. L’IPA n’est pas un sous-médecin. C’est un infirmier expert qui assure le suivi médical d’un patient qui lui a été confié par un médecin. Il va travailler main dans la main avec le médecin. Ensemble, ils prendront soin de ce patient. L’IPA est là pour décharger, soulager le médecin et être le trait d’union entre le patient et le médecin.

Quelle formation pour devenir IPA ?

Devenir IPA en France nécessite une formation rigoureuse. Le candidat doit :

  • Être titulaire du diplôme d’État d’infirmier (DEI)
  • Avoir exercé comme infirmier 3 ans a minima
  • Être diplômé du diplôme d’État d’infirmier en pratique avancée (DEIPA). Pour cela, il faut suivre un Master en soins infirmiers avancés. Soit, deux ans d’étude en faculté de médecine. La première année est commune pour tous les étudiants en pratique avancés et la seconde année est une année de spécialisation.

Quel est le champ d’action d’un IPA ?

Le champ d’action d’un IPA est vaste. Il est habilité à travailler dans divers environnements de soins de santé, y compris les hôpitaux, les cabinets médicaux, les cliniques et les structures de soins à domicile. Son rôle englobe la prévention, la promotion de la santé, la gestion des maladies chroniques, la coordination des soins et le soutien aux patients. À l’origine, seules 3 notions de spécialisations existaient pour les IPA. Au fil du temps, elles se développent. Aujourd’hui, elles sont au nombre de 5 et qui sait si demain, elles ne seront pas encore plus nombreuses.

Les 5 domaines d’intervention d’un IPA

        • Les pathologies chroniques stabilisées et les polypathologies courantes en soins primaires
        • Oncologie et hématologie
        • Néphrologie, dialyse, maladie rénale chronique
        • Psychiatrie, santé mentale
        • Les urgences

Différence IPA / Infirmier libéral ?

La principale différence entre un IPA et un infirmier libéral réside dans les compétences et les responsabilités. Les IPA ont une formation plus poussée pour des compétences plus avancées en diagnostic et en traitement. Là où les infirmiers libéraux ont tendance à offrir des soins infirmiers de routine. L’IPA peut réaliser :

  • Des activités d’orientation, d’éducation, de prévention ou de dépistage
  • Des actes d’évaluation et de conclusion clinique
  • Des actes techniques et des actes de surveillance clinique et paraclinique
  • Des prescriptions de produits de santé non soumis à prescription médicale
  • Des prescriptions d’examens complémentaires, des renouvellements ou adaptations de prescriptions médicales.

Quelques chiffres des IPA en France

Les tout premiers IPA diplômés l’ont été en 2019. Le nombre d’IPA en France tourne aux alentours de 1700 en 2023. Un chiffre assez faible et loin des « 5 000 envisagés en 2024 » dans les premières projections. Le statut d’IPA doit faire face à plusieurs freins.

  • Une rémunération peu attractive : même si l’avenant 9 à la convention nationale des infirmiers a été adopté fin mars 2023. Cet avenant revalorise de plus de 20 % les forfaits de prise en charge existants pour les patients confiés par le médecin à l’IPA au titre d’un suivi régulier. Il permet la prise en charge ponctuelle de nouveaux patients par l’IPA à la demande du médecin.
  • La forte réticence du corps médical : dans l’ensemble, les médecins voient d’un mauvais œil cette pratique avancée. Certains craignent une concurrence « low cost », tandis que d’autres « ne valident pas le fait que des actes médicaux soient réalisés par des professionnels non-médecins ».
  • La trop grande dépendance aux médecins : l’IPA a des patients uniquement s’ils lui sont envoyés par le Médecin Généraliste. Donc, si ce dernier est réticent, l’IPA ne peut pas gagner sa vie.

Le mot de Giovanni Silverii, fondateur de TabSanté et Infirmier libéral.

« L’IPA est une bonne idée de départ, mais comme nous l’avons souligné dans cet article, il y a quelques barrières ne permettant pas une pleine exploitation de ces compétences pour le bien du patient. Il faudrait maintenant réviser certaines choses, comme une autonomie plus grande, des attributions d’examens cliniques à décision directe (fonds d’œil, échographies…), des possibilités de rémunération plus importante par le biais de convention avec les services hospitaliers, cliniques et autres établissements. Il serait intéressant par exemple que les IPA s’installent dans les zones sous-dotées en médecin en créant des centres de soins de nouvelle génération. Pour travailler de façon efficace il faut que les IPA se munissent d’un outil de soins leur permettant de tracer, suivre et bien sûr coordonner avec les médecins et les établissements de Santé. Lorsque je parle de coordination, j’inclus la télé-expertise sécurisée via la plateforme de soins en l’occurrence, TabSanté. Il faudra donc rémunérer l’examen et la télé-expertise. Pour info, cela fait deux ans que TabSanté le pratique en Côte d’Ivoire. »

Pourquoi si peu d’infirmiers libéraux se lancent-ils dans l’aventure ?

Le manque d’engagement des infirmiers libéraux à devenir IPA peut être attribué à divers facteurs.

  • Un facteur financier

En effet, la reprise d’études a un coût. Si vous êtes sur les bancs de l’université, vous ne pouvez plus être en tournée ! Poursuivre une formation de niveau master, que ce soit en formation continue ou en VAE, va venir impacter votre train de vie. Il existe toutes sortes d’aides financières pour permettre aux IDELS de faire la transition. L’avenant 10 accorde 15 000 euros pour suivre un master IPA, les ARS versent aussi des aides qui varient selon les territoires, mais qui peuvent être assez conséquentes. Un coup de pouce pour couvrir les charges du cabinet, voire percevoir des revenus pendant l’arrêt de l’activité.

  • Un manque de visibilité

Le manque de reconnaissance et de réglementation claire de la profession IPA décourage largement les infirmiers libéraux. Et selon la Cour des comptes, ces prérogatives plus étendues en matière de soin ne bénéficient pas encore d’un modèle économique suffisamment rémunérateur pour « vivre de leur activité » en libéral.

Ce qui est sûr, c’est qu’il va falloir encore un peu de temps pour que cette nouvelle profession trouve sa place dans notre système de santé.